Conjoncture financière à fin septembre 2020

Vivre avec et la dépasser.

Après l’été, les indicateurs d’activité prenaient une allure plus solide que ce soit du côté des ménages comme de celui des entreprises. Les carnets de commandes se redressaient et surtout, les entreprises commençaient à vider leurs stocks. La recrudescence de l’épidémie a modifié cette nouvelle trajectoire. Les dépenses des ménages qui avaient rebondi depuis le mois de mai pour afficher une progression annuelle de 2,4 % à la fin août pourraient à nouveau se tasser sous la double influence du retour de la pandémie et des mesures barrière qui se durcissent à nouveau. Les enquêtes auprès des entreprises montrent qu’elles sont elles aussi particulièrement sensibles à l’évolution de la situation sanitaire. Les écarts se creusent selon les secteurs d’activité et au gré des ajustements des contraintes sanitaires. L’industrie, moins affectée directement, reprend des couleurs. La production industrielle se redresse de mois en mois. Elle reste néanmoins encore à plus de 6 % sous son niveau d’août 2019. Dans les services, le retard est très important, 12 % sur un an à fin juillet, et les résultats sectoriels sont plus dispersés encore.

C’est aussi pour prévenir ces disparités grandissantes que de nouvelles mesures ont été présentées au cours des derniers jours. Au-delà du plan de relance détaillé dans la loi de finances 2021, des aménagements dans le cadre de la prise en charge du chômage partiel ou le renforcement du fonds de solidarité à destination des entreprises à nouveau anesthésiées par les mesures sanitaires ont été déclinés.

Concilier les contraintes de court terme et des projets de moyen terme qui prennent en compte les fragilités de notre économie révélées à l’occasion de cette crise est au coeur des mesures annoncées. La transition écologique, la compétitivité et la décentralisation se conjuguent pour renforcer ou rétablir une industrie nationale et rendre notre économie plus résiliente face à des chocs récurrents nous affectant souvent sur plusieurs fronts à la fois. Ainsi, les questions de santé se sont invitées désavantageusement dans un système hospitalier fragilisé et une industrie devenue dépendante dans des domaines à ce titre stratégiques. La crise que nous traversons peut contribuer à renforcer nos atouts ou palier nos défaillances dans la perspective d’une trajectoire de moyen terme plus volontariste qu’avant que cet évènement ne se produise.

Brigitte Troquier – Economiste BRED Banque Populaire

Conjoncture financière à fin juin 2020

Un été confiné.

L’état des lieux sur l’évolution de la Covid reste l’élément essentiel pour élaborer des perspectives sur l’activité des prochains mois et c’est encore plus vrai au démarrage des congés estivaux qui ont libéré quelques contraintes. Ainsi, si les indicateurs d’activité en Europe ont repris une allure plus favorable, cette dernière tient avant tout au relâchement du carcan du confinement qui s’est progressivement, mais à un rythme différencié, répandu sur le continent. L’Allemagne, qui était allée moins loin dans les mesures restrictives que la France, l’Italie ou l’Espagne qui un temps furent dans une situation particulièrement délicate, tous ces pays font des avancées vers une sortie de crise sanitaire. Pour autant, ils restent tous particulièrement vigilants face à la résurgence locale du virus. De ce fait, les perspectives d’activité sont essentiellement sensibles à cette variable sanitaire. C’est à ce titre aussi que pendant plusieurs mois encore l’activité sera une addition de situations dont le profil variera en fonction de critères qui seront d’ordre médical, distanciation, rassemblement…, plus que d’ordre économique.

La période estivale en dessine déjà les premiers contours. Le tourisme en est l’un des exemples les plus complets. En effet, alors qu’au fil des décennies il est devenu un secteur important dans les stratégies économiques des pays avancés et de nombreux pays émergents en Asie mais aussi en Amérique latine ou sur le continent africain, les mesures de précaution sanitaire l’ont frappé de plein fouet. Secteur clé en Espagne, mais aussi au Portugal, en Italie et dans une moindre mesure en France, la pandémie en redéfinit les axes, plus centrés par obligation que par raison, sur le tourisme domestique. C’est le cas dans notre pays où, les touristes étrangers seront plus rares. L’organisation de séjours à l’adresse des clients nationaux reprend plus activement. Dans ce secteur particulier, il est pourtant prématuré de tirer des conclusions sur une mutation qui pourrait n’être qu’un phénomène transitoire, le temps de la maitrise de la pandémie. Cet exemple d’une refonte vers un modèle plus local peut pourtant se décliner sur d’autres activités, dans le commerce par exemple avec des circuits de distribution plus courts, dans les transports, et le déploiement des pistes cyclables, les déplacements ferroviaires pour des distances courtes. Evidemment, ces nouvelles pratiques, souvent plus raisonnables sur le plan de l’écologie, vont à leur tour contraindre d’autres acteurs à se réformer. Et dans cette période estivale, c’est le modèle des clubs des vacances, des croisières, des vols touristiques qui ne peuvent pas, à leur tour, faire l’économie d’une réflexion au risque de rater le train d’une mutation imposée mais à présent devenue nécessaire.

Brigitte Troquier – Economiste BRED Banque Populaire

Conjoncture financière à fin décembre 2019

Croissance mondiale : une stabilisation poussive.

L’examen de la croissance mondiale en 2019, fait le constat, d’une dynamique économique attirée vers un état de léthargie globale. Et si certains secteurs d’activité ont même basculé dans une  phase de retournement, la résistance de l’activité domestique et de la consommation principalement, ont permis de maintenir ce diagnostic tout au long de l’année.

La tendance a peu évolué et les projections 2020 restent sur ce même scénario : la croissance afficherait un rythme toujours modéré en 2020 et 2021, l’activité industrielle, source du retournement en 2019, se stabiliserait sur un bas niveau et la demande intérieure serait portée par les dépenses des ménages, soutenues par un brin de relance budgétaire qui passerait par des allègements fiscaux plutôt en faveur de ces derniers.
Cet état des lieux se traduirait par une croissance mondiale qui, selon les prévisions des organismes internationaux, repasserait timidement la barre des 3 %, après 2,9 % en 2019.

Ce bas régime s’accompagnerait de moindres tensions sur le marché du travail ou même sur les capacités de production en général. Il conduirait à éloigner un peu plus un éventuel retour de l’inflation. En zone euro, les prévisions de la BCE sur ce point s’établissent à 1 % en moyenne en 2020, après 1,2 % en 2019. Aux Etats-Unis, la Banque Centrale réitère un scénario de croissance et d’inflation à 2 %.

Ce diagnostic posé conduit, en toute logique, au maintien d’une politique monétaire accommodante, un statu quo en matière de taux d’intervention et de politiques quantitatives qui resteraient en l’état.

Si ce scénario peut paraitre confortable, il reste cependant conditionné à plusieurs interrogations. D’une part, le ralentissement de l’économie chinoise, qui pèse à présent plus de 17 % de l’économie mondiale, s’arrêtera-t-il à 6 % ou pourrait-il être plus profond ? Les mesures de soutien à l’œuvre, sans réel succès depuis plusieurs mois, nous incitent à la prudence sur ce sujet. Il en est de même des questions climatiques qui obligent inéluctablement à de nouvelles réflexions sur la croissance, son rythme, son modèle et son coût. C’est pourquoi, ce diagnostic prudent et consensuel s’accompagne de conditionnalités sur de nombreux aléas en matière de prix, de politiques économiques, sans oublier évidemment celles qui émaneraient de nouvelles tensions géopolitiques qui ne peuvent être écartées.

Brigitte Troquier – Economiste BRED Banque Populaire

Conjoncture financière à fin mars 2019

Une surprise française.

Depuis la fin 2018, les prévisions de croissance pour 2019 font l’objet de nombreuses révisions plutôt baissières. Les résultats du début d’année nous offrent l’occasion d’un répit. Ainsi, si en Chine elle se maintient à 6,4 % l’an, aux Etats-Unis elle a repassé la barre des 3 % à 3,2 % l’an sur le premier trimestre. La croissance en zone euro, qui n’a pas encore fait l’objet de chiffres détaillés, affiche une hausse de l’activité proche de 1,5 % l’an sur les trois premiers mois. En Italie, le timide rebond de 0,2 % vient après deux trimestres de repli.
La France poursuit une inéluctable croissance, même si cette dernière reste modérée. Ainsi a-t-elle affiché un bilan de 1,2 % l’an sur ce début d’année, niveau supérieur à son voisin alpin mais aussi, et plus inhabituel, à son voisin rhénan dont les chiffres devraient à peine avoisiner l’équilibre.

 

Ce résultat, selon les premières estimations de l’Insee, ne tient pas particulièrement aux dépenses de consommation des ménages. En effet, ces dernières seraient en petite hausse de 0,35 % sur la période, un résultat décevant au regard des gains en matière de pouvoir d’achat tant du côté des prix que de celui des revenus. L’investissement pour sa part se décline sur deux dynamiques opposées. Celle de l’investissement résidentiel, principalement de ces mêmes ménages qui reflue de 0,3 % et celle des entreprises qui reste bien orientée en hausse de 0,5 % et sur une tendance ferme depuis plusieurs trimestres déjà.

 

Enfin, le solde extérieur, qui peine du côté des exportations dans un environnement mondial mais avant tout européen plus incertain.

 

Cette croissance affichée de 0,3 % sur le trimestre pourrait s’accélérer sur les prochains trimestres. D’une part, les entreprises continuent à souffrir du côté de l’offre, les encourageant à renforcer ou améliorer leur outil de travail. L’investissement productif de ce fait restera bien orienté. D’autre part, les mesures annoncées à la suite du grand débat et celles déjà dégagées en faveur des ménages, vont constituer un soutien à leurs revenus et, en toute logique, à leur consommation. Pour autant, une incertitude demeure : ces derniers vont-ils en profiter pour dépenser ou préfèreront-ils une fois de plus renforcer une épargne déjà confortable ? La croissance en 2019 dépendra beaucoup de leur comportement.

 

 

Brigitte Troquier – Economiste BRED Banque Populaire

Conjoncture financière à fin décembre 2018

Pas encore d’éclaircies sur 2019.

De prévisions en révisions, les doutes sur les perspectives économiques se diffusent à l’ensemble de l’économie mondiale, de l’Asie à l’Europe en passant par l’Amérique. Les tensions commerciales initiées par les Etats-Unis contre leurs partenaires en Amérique latine, en Asie mais aussi en Europe ont été le déclencheur de ce retournement de cycle même si les indicateurs d’activité avaient déjà passé leur point haut dans les grandes zones économiques. Seuls les Etats-Unis continuaient à aligner des performances en phase avec les prévisions. Le conflit engagé par Mr Trump avec son administration depuis un mois pourrait conduire à des révisions outre-Atlantique aussi.

 

En zone euro, l’ombre du Brexit instille depuis des mois un climat de défiance. Dès mars 2018, les élections en Italie, 3ème économie de l’Union, suivies de la difficulté à former un gouvernement ont affecté les conditions économiques et financières de la zone. Les petits pays du sud de l’Europe ont plutôt bien évité la contagion sur les coûts de financement découlant des pressions sur la dette italienne. L’affaiblissement de Mme Merkel depuis les élections de septembre 2017, la crise sociale en France depuis novembre ont ajouté une dose supplémentaire de défiance politique et sociale avant les élections européennes. Ce malaise ne contribue pas à favoriser de nouveaux projets au sein de la zone euro même si, depuis la crise de 2011, de nombreux aménagements sur son fonctionnement ont été mis en place, particulièrement dans le cadre de la loi bancaire. Dans ce contexte politique plus éparpillé, la croissance pâlit à son tour.
Sur le dernier trimestre 2018, elle a affiché un niveau de 0,6 % annualisé contre plus de 1,7 % au cours du précédent trimestre. Deux grands pays de l’Union affichent une croissance en recul. L’Allemagne, -0,8 % et l’Italie, -0,5 %. La croissance française fait figure d’exception en hausse de 1,3 % l’an sur la période.

 

Si, sur l’année elle flirte comme attendu avec 2 % dans la zone, c’est sur 2019 que l’incertitude plane à présent. Les autorités allemandes ont revu en forte baisse la croissance outre-Rhin qui reviendrait sous sa tendance de long terme autour de 1 %. Le Brexit mais plus encore la guerre commerciale avec les Etats Unis et le ralentissement de l’économie chinoise exposent l’économie rhénane et son secteur clé de l’automobile. La croissance de l’Italie ne dégagera guère plus de 0,6 % et si le gouvernement français n’a pas encore revu sa copie, attendant une croissance de 1,7 % sur l’année, le risque baissier sur ces prévisions est malheureusement réel.
Ce contexte économique plus morose s’accompagne toujours d’un environnement de prix et de taux encore opportun pour les acteurs économiques. Mais, sans plus de volontarisme politique et social, ils continueront à faire le choix de la prudence en épargnant un peu plus et en reportant leurs projets.
 

Brigitte Troquier – Economiste BRED Banque Populaire