Conjoncture financière à fin septembre 2022

Après l’inflation, l’inéluctable ralentissement

Les pressions inflationnistes qui se diffusent et s’accélèrent dans de nombreuses régions du monde ne laissent plus aucun banquier central impassible. Même le Japon, qui n’a pas modifié sa politique monétaire ressent quelques frémissements sur les prix qui lui ont valu d’afficher une inflation en hausse à plus de 3 % à la fin septembre 2022. Ce mouvement généralisé va évidement peser sur chaque pays individuellement mais aussi, par un effet de transmission, sur ses voisins et le monde. C’est pourtant bien l’intensité de la lutte menée par la banque centrale américaine pour lutter contre la résurgence de l’inflation outre-Atlantique qui va déterminer le scénario monétaire des autres régions du monde. 

La FED, déterminée à casser les anticipations d’une inflation qui serait durablement supérieure à sa cible de 2%, a entamé ce processus en début d’année. Elle n’a pas été la première à dégainer, plusieurs pays émergents l’ayant précédé, mais elle a effectué un mouvement significatif depuis le mois de mars dernier. Elle a relevé son taux d’intervention à 6 reprises, accélérant le niveau du resserrement au cours des deux derniers comités pour atteindre aujourd’hui un taux de 4 %. Ce cycle vigoureux n’est pourtant pas encore terminé. Les signaux précurseurs d’un tassement de la demande finale sont encore trop ténus, que ce soit sur le marché du travail, les salaires, l’emploi, ou sur celui de l’immobilier malgré des taux d’intérêt hypothécaires qui ont atteint 7 % sur le 30 ans. La croissance ralentit mais encore insuffisamment pour ne pas conserver en son sein un risque sur les prix. En revanche, cette politique contribue à l’appréciation du dollar et à la hausse des coûts de financement. Elle pèse sur la parité des autres devises que ce soit l’Euro, la livre ou nombre de monnaies des pays émergents. L’inflation importée, conjuguée à la hausse du prix de certaines matières premières ainsi qu’à un début d’ajustements des salaires dans les entreprises mord sensiblement sur la dynamique économique de ses partenaires. Ces derniers, qui ne sont pas insensibles aux risques inflationnistes, dégainent à leur tour un à un une arme monétaire à plusieurs coups. Sauf à de rares exceptions, ce cycle mondial renchérit inéluctablement les coûts de financement d’économies de plus en plus financiarisées et endettées. 

Les économies mondiales ont su mener des politiques budgétaires et sanitaires plus coordonnées au fil des chocs. Quand il s’agit de la politique monétaire, la suprématie du dollar et une politique de suivisme s’imposent toujours aux partenaires des Etats Unis. Ce nouvel épisode ne fait une fois de plus pas exception.

Brigitte TROQUIER – Economiste BRED Banque Populaire

Conjoncture financière à fin juin 2022

L’inflation chamboule la trajectoire

Si le redémarrage de l’activité post Covid laissait augurer de solides perspectives économiques dans le monde et plus particulièrement en zone euro, la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine a chamboulé même les plus prudentes projections. Au-delà de la montée des incertitudes politiques et géopolitiques aux portes de l’Europe, cette dernière a pris conscience au fil des semaines du niveau particulièrement élevé de sa dépendance énergétique à la Russie.

Conjuguée à des fragilités d’approvisionnement issues de la remise en route des économies, cette nouvelle situation a exacerbé des tensions inflationnistes qui, de transitoires, se sont à présent probablement installées dans la durée. En zone euro, elles restent encore particulièrement concentrées sur les prix des matières premières et des produits alimentaires. Et même si des pressions émanent des salaires dans quelques secteurs sous tension, elles proviennent plus d’un rattrapage de revenus que des conséquences de la hausse des prix sur le pouvoir d’achat.
Ce nouveau contexte conduit les autorités publiques à trouver des solutions tant sur le plan de l’offre que pour atténuer de façon ciblée les effets de ces hausses sur le pouvoir d’achat des ménages.

D’une part, des négociations sont en cours pour signer des contrats d’approvisionnement auprès de nouveaux partenaires ou renforcer ceux qui existent déjà. D’autre part, à court terme des plans de réduction de la consommation énergétique sont en discussion au niveau de l’Union ou, au cas par cas, dans chacun des pays. A moyen terme, l’accélération de la transition énergétique devrait réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Elle suppose cependant à son tour d’intensifier les investissements déjà programmés.

Des mesures ciblées sont aussi déclinées pour limiter certaines hausses ou distribuer des subventions aux populations les plus affectées par ces déséquilibres. Ces mesures de soutien ne suffiront cependant pas à enrayer la dégradation des perspectives de croissance sur l’année 2022 et probablement la suivante. Elles compliquent par ailleurs la tâche de la banque centrale dont l’action va devoir se concentrer sur la maitrise des prix sans peser trop lourdement sur une dynamique de croissance fragilisée Conjuguer cette maitrise à une modération de la croissance sans y donner un coup d’arrêt brutal constitue un exercice d’équilibrisme délicat. Les prochains mois nous éclaireront sur le succès de cette opération.

Brigitte TROQUIER – Economiste BRED Banque Populaire

Conjoncture financière à fin décembre 2022

2022, la reprise ne suffit plus

Des signaux encourageants de sortie de pandémie alimentent l’espoir que, cette fois-ci, la page de cet exceptionnel évènement est en train de se tourner. Certains pays voisins ont déjà abandonné toutes les mesures de distanciation instaurées au cours de cette longue période. En France, elles sont levées par étapes et pourraient même conduire à l’abandon du pass vaccinal plus tôt qu’initialement annoncé par les autorités. Les rechutes de la pandémie n’ont pas entravé la trajectoire de la croissance. En 2021, elle s’est même démarquée de celle de ses voisins par un résultat solide de 7 % sur l’année.


A la fin de l’année, la France avait renoué avec une croissance de près de 1 point supérieure à celle de la fin 2019, affichant une nette avance sur la zone euro et quelques-uns de ses proches voisins. L’année 2022 sera encore une année de performance supérieure à la tendance antérieure à 2020. Si ce rebond soutenu est remarquable, il n’a pas encore effacé le retard accumulé au cours de cette période de pandémie. Et pourtant déjà plusieurs obstacles pourraient prématurément freiner la poursuite de ce rattrapage.


Ainsi, du côté de la demande, l’érosion du pouvoir d’achat des ménages associée au choc de prix sur l’énergie pourrait réduire leur niveau de dépenses, en dépit d’une épargne qui constitue un filet de sécurité. Les entreprises supportent à leur tour des charges en hausse, poussées à la fois par une demande toujours déséquilibrée et des coûts d’approvisionnement soutenus. Si ces hausses ne pèsent pas encore sur leur trésorerie, elles pourraient néanmoins affecter leurs marges et les résultats d’exploitation. Cette situation inattendue risque de décaler des programmes d’investissement dans l’attente de plus de visibilité sur ces contraintes physiques et peut être seulement transitoires. Mais le plus surprenant à ce stade se concentre sur les pénuries de main- d’oeuvre dans un contexte où l’emploi s’est à son tour rapidement rétabli depuis quelques mois. Les enquêtes relèvent des difficultés de recrutement pour près de 17 % des entreprises de l’industrie et plus de 20 % dans les services. Les contraintes liées au manque de main-d’oeuvre se multiplient et les revalorisations des rémunérations envisagées constituent une réponse partielle seulement. Mais, celle-ci ne suffit plus. Structurellement, l’inadéquation entre la compétence recherchée et l’offre de main-d’oeuvre ne se résoudra que plus en amont au niveau des formations et dans le système éducatif. Des améliorations ont déjà été réalisées avec des parcours de formation plus imbriqués dans le monde de l’entreprise mais l’accélération des nouveaux besoins en matière de développement technologique risque de brider certaines ambitions.

Brigitte TROQUIER – Economiste BRED Banque Populaire